Remise en service du T1154 / R1155 de chez MARCONI par Christophe F1APJ

 Air Ministry T1154/R1155

En cette fin d’année 1939 le contexte trouble avec l’Allemagne incite le Ministère de l’Air anglais à passer commande sans délai d’une production d’ensembles émetteurs/récepteurs T1154 / R1155.

Pour les besoins de la guerre, ceux-ci comporteront les dernières innovations et des améliorations significatives par rapport aux ensemble HF d’avant-guerre. Cette production fut confiée à la (MWTC), la « Marconi’s Wireless Telegraph Company » dont la compétence était reconnue depuis longtemps dans ce domaine.

Vue l’ampleur de la commande, celle-ci fait appel à des sous-traitants tels que : EK Cole, Mullard, EMI et Plessey. Plus de 80000 appareils vont sortir des lignes de fabrication anglaises afin d’équiper les bombardiers LANCASTER, mais pas seulement : l’ensemble T1154/R1155 devient l’équipement HF standard de nombreux types d’avions de la RAF, y compris des hydravions, mais également des bateaux, canots de sauvetage, des stations et véhicules au sol. A noter que cet ensemble de communication HF perdurera jusqu’aux années 50.

L’émetteur est particulièrement reconnaissable et atypique de par ses boutons aux couleurs vives :

Du rouge, du bleu, du jaune suivant les bandes de fréquences attribuées ; un moyen simple de faciliter les réglages sur les différentes bandes par l’opérateur. En plus des communications HF, un dispositif de navigation et de radiogoniométrie (DF) Direction Finding a été intégré au récepteur utilisant une boucle de réception rotative pilotée par l’opérateur radio depuis l’intérieur de l’aéronef.


 La première version du récepteur était le R1155 et les variantes ultérieures ont été désignées par les sigles : R1155A, B, C, D, E, F, L, M et N.

Un nombre similaire de variantes pour l’émetteur T1154 a également été produit. Certaines furent également réalisées pour la Royal Navy. Marconi conçut également l’installation radio des appareils Wellington, Whitney, Blenheim, Hampden, Lancaster et Halifax de la Royal Air Force.

1.TUBES

L’émetteur T1154 était un émetteur HF muni d’un VFO avec un tube de type ML6 (équivalent à VT105, CV1105 ou 10E216) qui assure le rôle de maître oscillateur / driver de l’amplificateur de puissance RF qui comporte deux tubes PT15 (équivalent à VT104, CV1104 ou 10E215), capables de générer une puissance de sortie radiofréquence (RF) d’environ 70 watts en CW et de 20 watts en phonie ou MCW selon le modèle. Sa couverture de fréquences était légèrement différente de celle du récepteur, utilisant trois ou quatre bandes commutées. Dans les installations aéroportées, le récepteur et l’émetteur étaient tous les deux alimentés par deux systèmes à « DYNAMOTOR» raccordées au réseau électrique de l’avion, 12 ou 24 volts.

 Selon le modèle voici les bandes de fréquences disponibles à l’émission :

 T1154, A, B, J, N       :           0,2 à 0,5 MHz – 3,0 à 5,5 MHz – 5,5 à 10 MHz,

 T1154 C, F, H, K, M  :           200 à 500 KHz – 2,5 à 4,5 MHz – 4,5 à 8,7 MHz – 8,7 à 16,7 MHz,

 T1154D, E                 :           0,2 à 0,5 MHz – 2,5 à 4,5 MHz – 4,5 à 8,0 MHz,

 T1154L                      :           0,2 à 0,5 MHz – 1,5 à 3,0 MHz – 3,0 à 5,5 MHz,

Au niveau de l’avion :

Une antenne fixe était utilisée pour l’ensemble des gammes HF et une antenne traînante pour les
gammes moyennes fréquences (MF). Comme mentionné ci-dessus, au cours de la Seconde Guerre Mondiale, un certain nombre de modèles différents de la station T1154/R1155 ont été créés pour différentes applications, certains fabriqués en boîtier acier, d’autres en aluminium.
La fonction de radiogoniométrie de guidage était basée sur la réception de deux émissions distinctes provenant de l’Angleterre et de même fréquence, les émissions étant  effectuées en direction de la cible à atteindre (principe de la triangulation ) ; ainsi le bombardier était guidé y compris de nuit grâce à l’indicateur visuel à aiguilles croisées branché sur le récepteur R1155.

2-R1155 meter

 
Le R1155 est un récepteur superhétérodyne à simple conversion, comportant 10 tubes de la série OCTAL :

  • VR100 soit une 6K7   en ampli HF ;
  • VR99   soit une 6E8   en changeuse de fréquence ;
  • VR100 soit une 6K7   en 1er & 2eme MF ;
  • VR101 soit une 6Q7   en détectrice /amplificateur BF ;
  • VR101 soit une 6Q7   en BFO / ACG ;
  • VR103 soit une 6AF7 en indicateur d’accord.

(A noter que V1, V2 & V9 ne sont pas nécessaires en récepteur de trafic radioamateur).

Lors de la remise en service d’un R1155 il est cependant impératif de remplacer plusieurs capacités triples de 0,1µF dans certains petits tubes : bon courage !

3-R1155

Quant à la remise en service d’un T1154, après avoir réussi à en trouver un 80 ans après leur démobilisation ou leur reconversion, elle est largement tributaire de l’état général de conservation de celui-ci.

Est-il complet ? Sale ? Cabossé ? Oxydé ?  Enfin à chacun ses (mauvaises) surprises : galvanomètre HS, vis cassées, etc.

4-PLUG SCH

Voici quelques éléments que je pense être utiles afin de faciliter l’aventure que constitue la remise en état de ces appareils.

Une astuce de Richard F4WCD

Il n’existe qu’une seule méthode infaillible pour défaire les vis de fixations. La gomme laque doit être ramollie en imprégnant les filetages et l’écrou avec de l’alcool à brûler à l’aide d’un pinceau d’artiste.  

Il faut bien comprendre que la facilité de démontage et d’entretien n’était pas une priorité pour un émetteur dont la durée de vie moyenne se mesure en semaines (la triste moyenne RAF était de 30 opérations avant de perdre le bombardier, son équipement et parfois son équipage).

Avant toute chose, pour votre T1154 un bon décrassage s’impose avec du W40 ou pourquoi pas du fuel malgré l’odeur légèrement persistante. La lubrification de certaines pièces n’est pas à négliger. Les nombreux contacts du relais d’antenne sont à nettoyer avec soin.

5-MANUEL

Après avoir parcouru la littérature présente sur internet à son sujet, le tour du propriétaire doit être fait pour bien localiser les différents composants du « trusquin ». Vérifier les valeurs des résistances et capacités est important.

6-1244

Dans le coin inférieur droit du compartiment arrière il y a normalement une capacité papier double C21/C8 qui est « HS », les valeurs étant de 0,25 µF et 0,5 µF. Alors, démontage et remplacement in situ s’imposent. Les vis sont facilement accessibles.

Il faut également ajouter une capacité de 50µF en parallèle sur la résistance de cathode (820 ohms) du tube ML6 du modulateur (modification décrite dans la revue « le Haut-Parleur N°979 » ).

 Les grandes résistances vertes, toujours dans le compartiment arrière, constituent des diviseurs résistifs fournissant les polarisations et les tensions nécessaires aux tubes (Faire attention à ne pas en avoir qui soient coupées). Elles étaient destinées à être verrouillées avec du fil pour éliminer les effets des vibrations et des chocs (chose assez courante en avionique).

7-1242

En dessous de ces résistances bobinées vous remarquerez six vis sur une plaquette en bakélite rectangulaire permettant de choisir le type de microphone en usage : MAGNETIC MIC ou CARBON MIC.

8-1241

Les prises JONES constituent un challenge de plus à relever afin de faire repartir l’appareil.

9-PLUG

La réalisation d’une alimentation secteur ne sera qu’une étape supplémentaire. (Cf. le plan ci-joint)

10- ALIMENTATION

Suivant les souhaits du « constructeur/ferrailleur », il est possible d’intégrer à cette alimentation les éléments suivants :

– Alimentation du récepteur avec un tube GZ32, par exemple ;

– Amplificateur BF avec une 6V6 pour le récepteur ;

– Une protection sur tension LT avec un thyristor et une diode Zener.

Il est préférable de placer un préamplificateur de microphone en « cathode follower » construit par l’OM dans un boîtier séparé comme celui d’origine nommé A1134 mais introuvable (il sera sûrement nécessaire d’en peaufiner les réglages pour une audio en AM irréprochable, selon André F6HSB).  

11- A1341

Fonctionnement lors de la mise en œuvre :

Mise en marche de l’alimentation secteur, mise en marche du T1154, commutateur sur STBY

(Les deux ML6 sont sous tension de chauffage nominale et 70% de LT pour les deux PT15) ;

Le relais d’antenne colle, coté RX, en STBY, la haute tension ne monte pas.

En position TUNE, CW, MCW et AM les quatre tubes sont alimentés normalement en LT.

La haute tension de 1200v peut être appliquée moyennant la commutation sur la prise JONES à quatre broche « E » sur le côté droit, à coté les sorties antennes HF et MF.

La programmation des fréquences est relativement intuitive, les couleurs des boutons de couleur facilitant la tâche. 

12-JONES

N’hésitez pas à vous mettre à la recherche de la mythique clef de Morse dite « baignoire » (bath tub) si particulière et typique de cet ensemble.

13-RADIO MORSE KEY

Voici quelques publicités des surplus d’après-guerre relatives à la vente de cet ensemble chez « CIRQUE RADIO ».

14- PUBLICITES

Sa reconversion dans le domaine amateur fut un succès : équipement du réseau d’urgence du REF dans les années 60 et utilisation, parmi d’autres, d’un exemplaire en maritime mobile et en CW par F8KC, Alain Godefroy.

16-ENSEMBLE

Opération « Chastise »

Les « Lancaster » du 617 escadron & les T1154/R1155

     Les briseurs de barrages

Naturellement ces ensembles TX/RX font partie intégrante des opérations en territoire ennemi. Les communications entre les bombardiers et les salles d’opérations étaient strictement limitées, le silence radio total étant imposé au moins jusqu’à ce que la zone ciblée soit atteinte afin d’éviter d’alerter l’ennemi. Le 17 mai 1943, l’opération Chastise fut une réussite. Elle fut menée par le  Squadron de la Royal Air Force No. 617, qui fut par la suite renommé les Dam-Busters (Les Briseurs de barrages).
Les bombardiers Lancaster ont détruit dans la vallée de la RUHR les barrages de Möhne, Eder et Sorpe, portant ainsi un coup important à la machine industrielle allemande.

En utilisant des émetteurs T1154 avec une liaison HF et afin que les transmissions soient
brèves, une série de mots de code a été préétablie pour transmettre les premières évaluations
des dommages :

Voir le livre : AIR FORCE code AP 1927 & RAFVRSIGNAL MANUEL.

17-CODE

Bref, cet appareil fait partie du patrimoine radio et constitue un hommage émouvant aux hommes et aux femmes ayant utilisé cet ensemble durant la WWII,

73, F1APJ    Christophe

T1154 FCC

SERIAL