Retour à la vie pour le R107 par Philippe ON6XZ

Il y a plusieurs mois, une connaissance m’a apporté un récepteur Anglais qui date de la 2ème guerre mondiale. Cet OM m’en avait déjà parlé, en précisant que ce R107 n’avait pas très belle allure et il n’avait que peu d’espoir de le voir fonctionner. Effectivement, au premier abord, ce n’était vraiment pas très engageant.

Après avoir retiré le châssis du coffret, je constate que l’état intérieur est bien meilleur que supposé. Surtout, il ne manque rien et aucune trace de bidouillage malfaisant n’est visible. Une visite sur le net donne accès à toute la documentation. Dès lors, on peut envisager une remise sous tension avec les précautions d’usage. Pour ma part, j’applique la tension secteur progressivement en plaçant en série dans le circuit primaire du transfo une ampoule à incandescence de 60W et un milliampèremètre. Si la valeur du courant n’est pas excessive, une 2ème ampoule à incandescence de 60W est mise en parallèle sur la première. Le cadran s’illumine et les tubes chauffent. Aucune fumée suspecte ne surgit. Pas de ronflement ni même un léger souffle ne sortent du haut-parleur. Après examen, bien que le bobinage du HP soit ok, il est mécaniquement bloqué et est incapable de sortir le moindre son. La HT qui doit se situer aux environs de 250V reste à 100 V. Deux problèmes en sont la cause. Un des deux secondaires HT est coupé. Les responsables sont probablement les condensateurs défectueux placé sur les secondaires. D’autre part, les condensateurs de filtrage sont complètement morts. Dès ce moment, pour établir la suite du diagnostic, il est plus simple de fournir une tension de 250V dc au récepteur. En branchant un HP externe, un léger souffle apparait et augmente en positionnant le gain RF au maximum. Ceci augure qu’il est possible de faire revivre le R107.

Les travaux de restauration peuvent commencer.

Toutes les vis ont reçu une substance de blocage qu’il faut dissoudre avec de l’acétone. Les fentes des vis sont très étroites et peu profondes. Il faut impérativement utiliser le tournevis adéquat. Les vis des boutons sont soudées par la rouille. Après avoir introduit un dégrippant, l’arrachage par 2 leviers est la seule option pour extraire les boutons.

Les 3 sous châssis sont séparés du châssis principal, pour remplacer les éléments habituellement dégradés. Condensateurs électrochimiques, papier et résistances corps carbone. Le transfo d’alimentation défectueux est remplacé par 2 transfos, dont un fournit 12Vac pour le chauffage des tubes. Certains composants sont d’accès difficile et le câblage en gros fil rigide double isolation n’arrange pas les choses. Le BFO est inopérant, bizarrement le tube en place est un ARP34 (Pentode) au lieu d’un AR21 (Triode). Je fais un essai avec le tube AR21 de l’oscillateur local mais sans succès. Le problème vient du circuit oscillant. Après démontage du blindage BFO, il apparait que l’extrémité du fil rigide entre le bobinage et la cathode touche la masse. Après élimination du défaut, le BFO fonctionne mais du coup, il manque un tube AR21. Les filaments des tubes étant branchés en série par groupes de deux, tous les tubes sont nécessaires. Le tube ARP34 retrouve le BFO qui forcément ne fonctionne pas. En connectant la G2 à la plaque et la G3 à la cathode, le BFO oscille directement. Reste le filtre CW placé dans le circuit AF. Il est composé de circuits LC centrés aux environs de

900Hz. Les condensateurs du filtre sont complètement en dehors des valeurs théoriques. Après remplacement de ceux-ci, le filtre fonctionne.

L’étape suivante concerne la mécanique et la cosmétique, ce n’est pas la moindre tâche.

Les verniers du CV 4 cages et du BFO sont complètement bloqués. Après 82ans, la graisse s’est transformée en cambouis très collant. Pour les démultiplicateurs, un bain de quelques jours dans le pétrole finit par dissoudre l’ancienne graisse. La face avant n’est pas présentable, peinture décrépite, marquages effacés, etc. Après nettoyage, décapage et ponçage, il ressort que la solution adoptée soit la réalisation et la pose d’une face autocollante. Les découpes pour les commandes, le cadran en saillie, les prises et les trous pour les vis sont faites lors de la fabrication de l’autocollant. De ce fait, il faut tout mesurer et imprimer un patron sur papier aux dimensions réelles (les mesures impériales ne facilitent rien). Après application sur la tôle pour contrôle par transparence en plaçant une lampe sous la tôle, on corrige les mesures erronées puis on ajoute les textes et symboles au fichier. La face autocollante peut alors être commandée par l’envoi du fichier de dessin. La restauration des collerettes de boutons complète le travail.

Dernière étape, alignement et essais.

La procédure décrite sur le net ne pose pas de difficulté, après alignement, les valeurs mesurées sont conformes tant au point de vue sensibilité que sélectivité. Le récepteur a fonctionné correctement durant 2 semaines, par la suite, la sensibilité chutait fortement par intermittence. De patientes recherches m’ont amené vers l’étage RF. La Grille écran du tube RF est alimentée par un pont diviseur. Surprise, un fil d’une des résistances n’a jamais été soudé ! La quiétude n’a duré que 3 semaines, une chute de gain intermittente d’environ 16db sévit à nouveau. Cette fois, c’est le mélangeur qui pose problème. Le condensateur de découplage +250V de l’étage agit quand il veut bien. Après remplacement, tout rentre dans l’ordre.

À propos du R107

La conception de ce récepteur simple changement de fréquence date de la fin de années 1930. Elle est basée sur 3 types de tubes. 1 Tube redresseur 6X5 pour l’alimentation 4 Tubes ARP34 = EF39 étages RF, mélangeur & IF. 4 Tubes AR21 = EBC33 oscillateur local, BFO, Démodulateur, 1er étage. AF & Final AF. La plage des fréquences reçues s’étend de de 1,2 MHz à 17,5 MHz en 3 Gammes. Il offre 2 types de sélectivité : Wide / Narrow plus un filtre télégraphie dans le circuit AF.

Le châssis principal supporte 3 Modules. Le tout pèse près de 50kg. Aucun matériau léger n’a été utilisé. Tout est en acier galvanisé sauf les blindages des bobinages RF & IF qui sont en laiton.

Le module Alimentation comporte transfo, tube redresseur, filtrage et un vibreur puisque le récepteur était capable de fonctionner en 12V dc comme sur secteur 50Hz. Le module présélecteur/ampli RF /oscillateur local / mélangeur. Le module IF 2 étages / démodulateur / 2 étages AF et BFO.

Performant pour l’époque, le R107 était souvent destiné à l’écoute des communications ennemies. Il a été produit à plus de 20 000 pièces par plusieurs constructeurs Anglais. L’exemplaire restauré porte le n°12707, il a été construit par F.R.C. en 1943. « Ferguson Radio Corporation Ltd » implantée à Enfield, au nord de Londres.

Après une demie heure de chauffe, il est possible d’écouter un QSO BLU à condition d’ajuster le RF gain en permanence. Ceci n’a rien d’étonnant, sur la position BFO le commutateur mode est câblé de façon à annuler la CAG. Probablement pour réduire l’instabilité de l’oscillateur local en mode télégraphie. En AM il fonctionne très bien. Un détail intéressant de cet appareil est le petit panneau diagnostic placé sur face avant à droite du voyant rouge. On peut mesurer les tensions +250V, chauffage 12V et beaucoup plus. Une résistance de 3 kOhm est placée en série dans l’alimentation de chaque étage. La chute de tension mesurée aux bornes des résistances donne une indication précise du fonctionnement de chaque étage. En se référant au tableau de maintenance, on peut connaitre l’état du R107 sans l’ouvrir. L’objet rond noir à gauche du témoin rouge est un support destiné à recevoir la montre gousset de l’opérateur.

Le 3 Modules installés sur le châssis
l’état dégradé de la face avant
Les circuits RF d’entrée
Alignement du module IF Type de câblage
A l’arrière, les liaisons entre les modules
Vue droite de l’appareil après remise en état.
Vue gauche de l’appareil.