Présentation
Je suis situé à SAMOIS SUR SEINE, village à 5 Km au Nord-Est de FONTAINEBLEAU (77 Seine et Marne) en JN18IK. Ma station se trouve sur les hauteurs du village (85 mètres) tandis que le bas Samois, en bordure de Seine, se trouve relié par un pont à « l’Ile du Berceau », lieu où chaque année est organisé un grand festival de jazz en hommage au célèbre guitariste, Django Reinhardt, qui fut notamment un habitant de Samois.
Mes débuts à la radio
Enfant, j’étais très attiré par la technique, sous toutes ses formes. Et celle qui m’intéressait le plus, c’était l’électricité. Un jour, mon père (peut-être en désespoir de cause de nourrir ma curiosité) a mis à ma disposition une batterie de voiture, des fils et des lampes ; le rêve ! Je me suis lancé dans des tas d’expériences, découvrant le monde fabuleux de l’électricité (et les brûlures qui vont avec, immanquablement…).
Après l’électricité vint le virus de la radio, mais à cette époque cela n’était pas, financièrement, à l’ordre du jour. J’ai donc patienté des années et lorsque le temps a été venu de faire mon service militaire, c’est non sans plaisir que je me suis retrouvé orienté vers une section de transmissions !
Incorporé en Juillet 1966 dans une unité parachutiste (une autre de mes passions), j’ai alors été formé dans une section de transmissions d’où je sortais premier avec 18.55 pour le certificat d’opérateur 151 et 17.50 pour le certificat 251. Ensuite, la formation portait sur le fait d’être capable d’agencer l’unité ANGRC9 dans une « gaine », sorte de carquois très spécial permettant d’embarquer, sous le parachute ventral, l’ensemble de l’ANGRC9 complet y compris la pile 110V BA48. Seule la génératrice GN58 était prise en charge par un autre parachutiste. Cela donne une idée du côté sportif de la chose. Vu le poids de l’ensemble (plus de 20 Kg pour la gaine et plus de 20 Kg pour le parachute), soit au moins 50 Kg au total avec la demie toile de tente, l’arme et le sac à dos, il était impossible de se hisser soi-même dans l’avion, sans l’aide de deux personnes.
Juste avant le saut, debout dans l’avion, les jambes en coton (poids important et très grande appréhension), le moment de la sortie devenait pratiquement une délivrance ! Une fois largué, je ne disposais que de quelques secondes pour libérer l’ensemble de la « gaine » qui tombait alors 10 mètres plus bas, pendue à une corde, afin de permettre un atterrissage en « roulé-boulé ».
A peine revenu de mes émotions il fallait être capable, en moins d’un quart d’heure, de transmettre sur une fréquence donnée par l’Autorité sur le terrain… Pour ceux qui connaissent l’ANGRC9, le fait que l’émetteur soit en fait séparé du récepteur obligeait à faire des calculs « d’interpolation » pour être calé sur la bonne fréquence. Pas simple du tout après un saut d’avion, un atterrissage très inconfortable, voire brutal, le froid, les doigts gourds et… pas de calculatrice ! La moindre erreur de calculs se soldait par une impossibilité de liaison avec la base. Quant au collègue tournant la GN58, il était complètement épuisé suite à de multiples essais sans résultats. Sans parler de « l’Autorité » pas contente du tout de n’avoir pas rapidement la liaison radio ! Ma première grande manœuvre, après avoir été breveté parachutiste, s’est soldée par une marche de 70 Km avec le C9 sur le dos suite à un largage sur LEZIGNAN à proximité d’un champ de vignes ! Durant toute la marche, le C9 était opérationnel en réception, alimenté par sa pile de 110 volts et l’antenne fouet qui ballottait sans arrêt. Je me suis alors fait la réflexion suivante : « si le premier crapahut c’est cela, les autres devant normalement être plus « balaises », alors je vais y laisser ma peau ! » Mais fort heureusement, les crapahuts suivants se sont avéré plus softs… Enfin… si on peut dire.
L’ANGRC9 était ma première vraie radio. Il était évidemment impossible, à l’époque, d’en faire l’acquisition personnelle. Mais, lors d’une permission, j’ai fini par « dégotter » chez Béric à MALAKOFF l’ancêtre du C9, à savoir, le BC1306 ou SCR694. J’ai ramené ce matériel dans ma section de transmissions ce qui a suscité un grand intérêt général ! Nous l’avons mis en service pendant quatre mois et il m’arrivait assez fréquemment, lorsque j’étais de faction le week-end, entre deux vacations, d’engager de très belles batailles navales en CW avec différentes casernes. J’ai conservé cet équipement qui fonctionne parfaitement.
Le QSO de ma vie
Septembre 1967, nous sommes en très grandes manœuvres « d’intimidation» en Côte d’Ivoire. Il s’agit en fait des opérations Caïman et Alligator. Nous sommes exténués par la succession de nuits blanches. C’est la saison des pluies et nous subissons de violents orages. Au troisième jour, en début de nuit, alors que nous venons juste de nous glisser sous nos tentes en espérant enfin dormir, les autorités me demandent d’emmener en urgence une unité complète d’ANGRC9 pour dépanner une compagnie de combat qui se trouve à 70 Km dans la brousse, dans le triangle Abidjan, Bouake et Daloa. Pour ce faire, un sergent va m’emmener avec une jeep et tout mon matériel. Il faut savoir qu’à cette époque, en dehors des rues dans Abidjan, il n’existe aucune route mais simplement des pistes en sable dur qui donnent l’impression de rouler sur de la tôle ondulée. Suite à de gros orages la veille, un crachin commence à tomber qui nous oblige à rabattre le pare-brise de la jeep et à nous équiper de lunettes de sable pour essayer d’y voir clair. Nous roulons dans la nuit, sur cette piste en pleine brousse, et je commence à pressentir le sergent complètement exténué… qui finit par s’endormir au volant ! J’ai tout juste le temps de lui hurler de maintenir bloqué le volant pour essayer de stopper les oscillations de la jeep qui zigzague de plus en plus fortement d’un côté à l’autre de la piste ! Nous rasons dangereusement les bas-côtés, puis nous finissons enfin par nous arrêter… N’étant pourtant pas détenteur du permis de conduire militaire le sergent me passe immédiatement le volant, sans autre forme de procès. Ouf !
Nous continuons de rouler dans la nuit, prudemment, lorsque nous sommes de nouveau obligés de nous arrêter. Un arbre géant (genre Séquoia) est en travers de la piste. Des personnes sont là, équipées de tronçonneuses immenses (du jamais vu), mais celles-ci refusent catégoriquement de démarrer. Il y a même des enfants présents et une agitation étrange règne sur les lieux. Nous découvrons alors, dans une 403 bâchée qui se trouve sur la piste de l’autre côté de l’arbre, une femme couchée, comme une bête, à même le plancher de la partie benne du véhicule, sur le point d’accoucher !
Devant cette situation pour le moins critique, le sergent me demande s’il m’est possible de mettre en œuvre l’unité ANGRC9 que nous convoyons, ceci dans l’espoir d’établir une liaison avec la base pour demander des secours. Nous sommes en pleine brousse, assez loin de la base et la liaison me paraît de prime abord impossible à réaliser. J’installe tout de même le matériel radio, à savoir l’unité ANGRC9 et je réquisitionne un jeune Ivoirien qui se trouve dans le secteur afin de lui expliquer comment tenir le bout de l’antenne filaire qu’il va falloir tirer le plus fort possible afin de la maintenir décollée du sol. Nous sommes en pleine nuit et la fréquence de travail étant forcément basse, l’antenne filaire se trouve entièrement déployée soit environ 70 mètres de longueur. C’est à peine si sur une telle distance elle décolle de la piste malgré les efforts de notre jeune Ivoirien. Le sergent m’ayant préparé un texte, j’appelle la base en CW sans trop y croire. Et là, c’est magique ! Le signal est extrêmement faible, mais sans aucun bruit et d’une netteté incroyable. C’est étonnant ! J’utilise bien entendu la procédure normale d’appel, avec toutefois l’utilisation du code « Z » définissant le degré d’urgence du message. L’opérateur radio de la base, qui sait qui je suis, est interloqué par ce code Z qui correspond à une urgence « FLASH », uniquement utilisé en temps de guerre et évidemment interdit en temps normal ! Mon collègue est tellement surpris par mon utilisation du code Z qu’il me demande immédiatement de m’identifier par mon « trigramme », première, dernière et lettre centrale de mon nom, lesquelles trois lettres constituent un signe de reconnaissance de l’opérateur radio. (Rappelons que nous sommes en manœuvres « d’intimidation » par rapport aux cinq pays qui entourent la Côte d’Ivoire et que plusieurs personnes viennent d’être arrêtées pour espionnage). Je transmets enfin mon message, sans collationnement bien évidemment. Dans la demi-heure suivante, alors que le sergent a réussi, avec l’aide des autochtones, à faire allumer un feu sur une aire dégagée pas très loin de la piste, deux hélicoptères atterrissent et embarquent la femme enceinte. Les pilotes ont beaucoup de difficultés pour le décollage car… les gens ne cessent de vouloir embrasser l’hélicoptère dans lequel est embarquée la femme enceinte !
De cette aventure extraordinaire, pour moi du moins, je garde le souvenir de cet ANGRC9, en vrac dans la jeep, transmettant dans la nuit, en pleine brousse, avec un éclat moyen de son ampoule néon (GN58 oblige), l’antenne filaire au ras du sol et surtout, ce signal tellement petit mais tellement clair !
Malheureusement, à cette époque, il n’était même pas envisageable de demander quelque nouvelle que ce soit de la suite d’une telle opération. Ce n’était pas du tout dans l’air du temps ! Ce qui fait que je n’ai jamais su ce qu’il était advenu de cette femme et de son enfant.
Certaines personnes comprendront mieux alors mon attachement pour ce poste radio mythique qu’est l’ANGRC9, matériel très particulier avec lequel j’ai tant de fois sauté en parachute, crapahuté et réalisé nombre de liaisons dont celle-ci que je qualifie de « qso de ma vie ». A ce jour, deux ANGRC9 avec leur ampli AM66 sont installés à demeure dans ma station, l’un étant calé en CW et l’autre en AM. Ils sont mis en œuvre très fréquemment. Trois autres sont stockés en vue d’exploitation en portable ou de manipulations d’alignements. « Quand on aime, on ne compte pas ».
Je ne suis pas un vrai technicien comme beaucoup d’entre vous le sont, voire même, des professionnels pour certains. Dans ma vie active de directeur technique dans l’imprimerie en rotatives, un de mes patrons m’avait financé des cours de radio par correspondance chez EURELEC. A l’époque, j’avais un peu survolé tout ce qui concernait les tubes, au profit des transistors qui constituaient évidemment la nouvelle technologie. Aujourd’hui, je me replonge à fond dans le domaine des tubes et de la modulation d’amplitude pour lesquels j’éprouve énormément de plaisir ! C’est très loin d’être simple mais tellement intéressant ! Je remercie vivement les OM’s qui n’hésitent pas à donner beaucoup d’infos en tous genres, ce qui constitue une aide extrêmement précieuse pour les réalisations home made. Cela permet de continuer à faire vivre ce patrimoine que représente le matériel radio ancien à tubes et l’antique modulation d’amplitude.
Les Tx et Rx
73 et 88 de Claude F5JPV (HMT mon trigramme).